MANGANAC

Le dernier dragon

LE DERNIER DRAGON

 


En des temps immémoriaux, les dragons cohabitaient en symbiose avec les humains.
Un jour, pourtant, l'un d'eux attaqua une exploitation agricole et dévora un fermier ainsi que la moitié de son cheptel.
Dès lors, les Hommes prirent peur et, sans chercher le pourquoi de cette violente attaque, décimèrent l'espèce, passant ainsi de l'adoration à l'aversion la plus totale.
Un peu partout on entendait que les paysans avaient profité de cet incident pour se débarasser de ces reptiles géants qui, il est  vrai, mangeaient de temps à autre un mouton ou deux parmis les troupeaux.
La vérité était plutôt que les dragons ne trouvaient plus d'espèces sauvages à chasser du simple fait de la propension de l'Homme à étendre son territoire pour ses cultures et ses animaux domestiques, éradiquant inexorablement les autres espèces animales, d'où la probable raison de l'attaque du fermier.
Les années passèrent et on oublia jusqu'à l'existence des ces "monstres".
Quelques fables ou légendes en faisaient allusion mais sans plus, ils faisaient à présent partie du bestiaire imaginaire tels les elfes et autres fées.
Jusqu'à ce jour...

Losty était un petit village dont beaucoup ignoraient jusqu'à son existence.Sa proximité de grands volcans expliquait en partie son isolement.
Bien qu'éteints, ceux-ci laissaient de temps à autres un léger bourdonnement se manifester; mais de mémoires de ses habitants, jamais personne n'avait pu voir une seule éruption.

Soucy serpenta entre les petites huttes avec sur ses talons, le boucher rouge de colère...et de fatigue.Il vociféra quelques injures bien senties en direction du garnement puis retourna, exténué  vers  son office.

Soucy était arrivé un soir dans le village et y était resté.Il devait avoir entre quatorze et seize ans mais impossible d'en savoir plus, celui-ci ne savait pas parler.Non pas qu'il fut muet, il ne savait tout simplement pas parler.
Son surnom, Soucy, lui avait été donné assez vite dû à sa propension à s'attirer les problèmes.Le boucher et le boulanger en étaient d'ailleur ses principales victimes.
Malgrè ses petits larcins, tout le monde avait fini par l'adopter.
Le jeune garçon retourna se cacher dans un endroit où nul ne pouvait le trouver...l'intèrieur d'un volcan.
Quelques mois plus tôt, un ébouli avit mis à jour l'entrée d'une caverne.
Celle-ci s'enfonçait profondément à l'intèrieur de la montagne et offrait en son sein une chaleur bienfaisante.
Soucy y vivait ainsi à l'abri des animaux et autres gêneurs dont l'obscurité rebutait.
Mais plus important encore, cette cachette lui permettait de veiller sur son trésor...un oeuf de dragon.

D'environ quinze centimètres de long sur dix de diamètre, l'oeuf devait bien pesait dans les neuf cent grammes, voir même apprôcher le kilo.
Ce qu'on remarquait en premier, outre son imposante taille, c'était sa couleur, verte, presque noire.
Son "trésor" lui avait été remis par un voyageur à la peau noire et à l'accent fortement prononcé en échange des lapins qu'il venait de chaparder.
L'homme lui avait conseillé de le garder près d'une source de chaleur et de ne surtout en parler à personne.

Son oeuf laissait de temps à autre échapper de petits bruits rappelant que celui-ci était bien viable.
Soucy s'endormit, la joue posée sur la coquille légèrement tiède.

En pleine nuit, une formidable explosion, immédiatement suivie d'un crâquement tout aussi effrayant remua la montagne; le volcan venait de se réveiller.

N'ayant qu'une seule idée en tête, protéger son dragon, le jeune garçon se dirigea à toute hâte vers la sortie.
Malheureusement, celle-ci était obstruée par des gravats qui ne cessaient de s'amonceler au rythme des éruptions.
Sachant que la seule issue possible était devant lui, il déblaya un à un les blocs de pierres espérant se frayer un chemin à travers ce mur apparement infranchissable.
Enfin un rayon de lune perça à travers la paroi.
La chaleur se mit à augmenter de façon faramineuse et pour cause, Soucy vit le fond de la grotte prendre des couleurs orangeâtres, la lave se déversait par plusieurs anfractuosités des murs.
Paniqué, il accéléra ses mouvements mais fit tomber l'oeuf qui roula en direction de la rôche en fusion.
Que faire ? Continuer à s'ouvrir un accès vers la vie ou secourir un dragon pas encore né et subir un funeste destin ?
L'hésitation ne prit que quelques secondes; comme une mère se sacrifiant pour ses petits, il fonça vers son bébé à lui.

Malgrè le danger, il lança un rapide coup d'oeil sur toute la surface de la coquille pour voir si elle n'était pas ébrêchée.

La lave n'était plus qu'à quelques mètres de l'inconscient.
Il retourna bouger ses gros cailloux après s'être assuré que l'oeuf ne risquait rien.
Pour celà, il s'était déshabillé et l'avait entièrement recouvert de ses haillons.
La chaleur ambiante brûlait à présent son dos.
Le garçonnet faillit plusieurs fois perdre connaissance quand soudain, il vit les pierres tomber d'elle-même de l'autre côté.
Un bras jaillit à travers le trou et un cri:

"Attrape mon bras !"

Pour l'avoir longtemps cotoyé et, il faut bien l'avouer, embêté, Soucy reconnut sans hésitation le boucher du village.
Contrairement à ce qu'il croyait, tout le monde savait qu'il vivait ici mais tout le monde feignait l'ignorance afin de le laisser avoir son jardin secret à lui.

Machinalement, comme par instinct de survie, il recula.
La chaleur lui rappela assez vite que la mort n'était qu'à quelques pas derrière lui.
Il aggripa ce bras qui tant de fois avait cherché à l'attraper et sortit enfin de cette fournaise.

"Cours !"

Un bref regard autour de lui suffit à son cerveau pour faire bouger ses jambes bien malgrè lui.
La montagne ressemblait à une immense poire sur laquelle on avait versé des litres et des litres de coulis de fruits rouges.C'en était presque beau.
Mais l'heure n'était pas à la contemplation, ici-et-là, le sol s'ouvrait, laissant apparaître le coulis qui jaillissait parfois tel un geyser.
Ils coururent sans regarder en arrière et se retrouvèrent enfin à la rivière.
Le petit pont de bois commençait à prendre feu mais celà n'était rien comparé à ce qui les attendait s'ils restaient de ce côté.

Enfin hors de danger, ils tombèrent tous deux à la renverse, le souffle haletant mais la mine réjouie.
Le boucher se retourna vers Soucy et lui posa la question interdite:

"Que tiens-tu donc à protéger qui soit plus important que ton corps ?
Regardes-toi, tu es couvert de cloques."

L'adolescent se redressa d'un bond et, malgrè les efforts qu'il venait de fournir, parti comme un dératé en direction de la forêt.

La lune ne perçait que difficilement à travers les feuillages et contrairement à sa grotte, les bois n'étaient pas silencieux.
Partout des crâquements, des hûrlements, des ombres et tout un tas d'autres bestioles qui allaient jusqu'à le frôler.

Derrière lui, le boucher se fit entendre.Il n'était plus seul.

Lui et ses compagnons voulaient désormais en savoir plus sur ce qui rendait Soucy aussi précautionneux.
Avait-il trouvé de l'or au fond de sa grotte ? Des pierres précieuses ?
Ils ne le sauraient qu'en l'attrapant.

Le gamin s'enfonça plus profondément dans cette forêt bien lugubre.

Marchant depuis des heures et commençant à avoir sèrieusement froid, il déballa son trésor qu'il posa sur de la mousse fraîche et se rhabilla prestement.
S'apprêtant à le récupérer, celui-ci venait, en l'espace d'une dizaine de secondes, de disparaître.
Les herbes s'écartaient et se refermaient devant lui.Il courut.
La poursuite dura peu de temps, l'animal qui venait de dérober l'oeuf ouvrit grand sa gueule et laissa choir ce repas bien trop encombrant.
Une sorte de lézard géant lui faisait face.
Ils étaient assez nombreux dans la région pourtant peu de personnes en avaient observé.
Il mesurait près de trois mètres de long dont les deux tiers pour la queue.
Se servant d'elle comme point d'appui, il se redressa et siffla de manière à effrayer le jeune garçon.
L'effet fut immédiat, il poussa un cri si fort qu'il se répercuta dans toute la forêt.
Il était tétanisé, impossible de faire le moindre geste.
Le varan retomba sur ses quatre pattes et s'apprôcha lentement.
Une seule morsûre suffirait pour y rester.
Un léger crâquement se fit entendre.
C'était la coquille de l'oeuf.
Le saurien se retourna et Soucy, dans un effort désespéré, attrapa une branche et la fracassa sur la tête du lézard.Le bout de bois vermoulu n'eut qu'un seul effet, celui de l'énerver encore plus et il se jeta sur le garçon.
Avant l'impact fatal, un carreau d'arbalète se ficha dans la tête de l'animal qui tomba raide mort.
Le cri de Soucy avait indiqué sa position à ses poursuivants.
L'enfant se précipita sur son trésor mais fut aggripé par les cheveux par un des villageois.

"Ainsi c'est donc celà que tu voulais protéger à tout prix ? Un oeuf ? Un oeuf de quoi ?"

Aucune réponse.

"Alors je vais le casser, on verra bien ce qu'il y a dedans."

Paniqué et au prix d'un effort incroyable pur se faire comprendre, Soucy bégaya:

"Dra-dra-dragon."

Un dragon.Soucy avait trouvé un oeuf de dragon.
Ils l'emmenèrent lui et son oeuf au camp de fortune où se trouvaient tous les autres villageois.
Le boucher expliqua toute l'histoire et les cris de protestation s'élevèrent:

"Il faut se débarasser d'eux !
-Ce gamin nous a apporté le Mal !
-Il voulait nous exterminer avec son dragon !"

Le volcan qui venait de se réveiller et le village complètement détruit par celui-ci, il n'en fallait pas plus aux simples d'esprit pour faire le lien avec Soucy et son dragon.
Un caillou fusa et vint percuter la tempe du pauvre garçon, suivi d'un deuxième puis d'un troisième.On procéda à un lynchage haineux comme si toutes ces petites pierres symbolisaient le mal dont il fallait se débarasser.
L'adolescent tomba.
Mort.
En écho au choc du corps sur le sol, la coquille se brîsa et...un petit émeu en sortit.

 

 



17/01/2012
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