MANGANAC

Cinquante ans plus tard

Cinquante ans plus tard


Ca y est...fini...enfin.

Plus de vingt années à rester seul, sans aucun contact avec le monde extèrieur, dans l'espoir de voir un jour ma création passer du stade de prototype à celui d'appareil cent pour cent fonctionnel.
Mes calculs ne pouvaient pas être faux, il ne me manquait plus qu'une seule chose...des témoins.Ceux-là même qui me traitaient d'excentrique aliéné !
L'excentrique aliéné allait leur prouver que ses paroles n'étaient pas vaines !
Tous avaient pensé qu'en m'exilant dans cet appartement, au dixième étage de cette cité malfâmée, loin de mon pavillon en plein centre-ville, je sombrerai dans la psychose et oublierai mes rêves grandiloquents...c'était mal me connaître.

Que faisaient-ils ? Ne m'avaient-ils, une fois de plus, pas pris au sèrieux ?

Le téléphone...

"Oui ? Ah oui, je sais, la sonnette ne fonctionne plus, attendez, je vous ouvre...c'est bon ?
Alors prenez l'escalier de droite et...non non, il ne fonctionne plus depuis deux semaines...et c'est l'appartement 104 au dixième étage.Vous ne pouvez pas vous tromper, on ne peut pas aller plus haut !"

Ils étaient donc venus.
Surement pour me railler et trouver un moyen de me ridiculiser une fois de plus...la dernière fois !

Dix minutes après, j'entends un bruit sourd à ma porte...Deux loques humaines derrière, complètement épuisées !

"Entrez donc je vous prie...quelquechose à boire ?
-Un grand verre d'eau ira très bien, merci.
-Deux !"

Où étaient passés les deux fringants jeunes hommes de mes souvenirs ? Le temps fait des râvages (j'en suis la preuve vivante).

"J'espère que la plaisanterie ne sera pas trop longue, nous n'avons tout au plus que deux, voir trois heures à t'accorder.
-Enlève-moi ce doute immédiatement, tu n'as pas continué tes recherches farfelues durant ces vingt ans ?
-Justement si.Je l'ai créée ma machine !
-Bon on veut bien te croire, et encore...mais où est-elle ?
-Suivez-moi."

Entouré de canisses de couleur verte, l'étrange objet se trouvait là, sur le balcon.
Incrédules, les deux savants se demandaient si leur ancien collègue n'étaient pas en train de se moquer d'eux.
L'appareil, haut d'une soixantaine de centimètres, était affublé de deux manettes lui donnant l'air de machine à sous tel ces antiques bandits manchots.Des voyants disposés anarchiquement donnaient à l'ensemble l'illusion d'un travail bâclé.Des capteurs courraient sur toute la longueur du balcon, partant du côté droit de la machine jusqu'au côté gauche.Pliée en quatre, une couverture de survie pendait sur la balustrade.A l'opposé, un petit groupe électrogène.
Je le mis en route.

Le bouton de tension s'alluma sur la machine.

"Apprôchez, apprôchez, asseyez-vous entre les capteurs.
-On...on ne risque rien ?
-L'avancée scientifique mérite quelques sacrifices messieurs, non ?
-Ne rigole pas avec ça; l'as-tu testée au moins ?
-Si vous le voulez bien, on en parlera tout à l'heure.Maintenant, baissez-vous."

J'attrapais la couverture et la posais précautionneusement sur les canisses.Nous étions à présent dans une sorte d'igloo urbain !
Avant qu'ils n'aient pû émettre le moindre son, j'actionnais les deux manettes...Un sinistre bruit de papier déchirée, immédiatement suivi d'une espèce de borborygme bruyant nous arrâcha un cri à tous les trois.Un flash lumineux vint mettre un terme à tout ça.
Je soulevais lentement la couverture, , il faisait toujours nuit.
Je me redressais, suivi par mes deux compères complètement hébétés, on le serait à moins, j'avais réussi !
Devant nos yeux ébahis, le décor en face de nous avait changé.
Le bois qui longeait la voie rapide avait disparu et à la place, une imposante usine avait germé.
Comment celà était-il possible ?
N'en pouvant plus, j'éclatais d'un immense rire sardonique, toisant mes deux interloqués d'un regard mauvais.

"Et bien voilà, voilà ce qu'un fou, un aliéné, un...un bon à rien arrive à faire: cinquante ans d'un coup !!!"

Ils en étaient abasourdis, ne sachant trop s'il fallait rire ou pleurer.Leurs émotions se mélangeaient tour à tour.

"Professeur, vous êtes un génie !
-Mais comment diable avez-vous pu...
-Je n'en dirais pas plus, c'est ma création.
-Allons immédiatement faire part de cette découverte au monde entier et...
-Il y a juste un petit problème, trois fois rien...
-Comment ça ? Elle marche, nous en sommes tous les trois les grands témoins.
-Oui, rentrez avec nous au centre de recherche scientifique !
-Le problème est justement là, on ne peut plus revenir en arrière."

Les deux hommes, livides, se regardèrent médusés...
Pris de panique, ils brîsèrent un des carreaux de la baie vitrée et se retrouvèrent dans le salon...en face de trois hommes, assis sur un canapé, les mains occupées à nettoyer chacun une arme partiellement démontées.
Des malfrats avaient élu domicile au dixième étage.
Leur regard haineux en disait long sur leurs intentions et nos deux scientifiques regagnèrent sans tarder leur igloo.
Je remettais en toute hâte la couverture tandis que mes camarades appuyèrent simultanément sur les manettes.
Nouveaux sons infects et nouveau flash...

Telle une seule entité, nos regards convergèrent en même temps en direction des fenêtres. Celles-ci n'étaient pas visibles, les volets étaient clos.
Rassurés, nous nous retournions et là, le choc...l'usine avait disparue. A la place, se croisaient des sortes de petites routes larges d'environ deux mètres chacune au-dessus desquelles serpentaient des câbles. Des dizaines de petites voitures ou plutôt de petites sphères, circulaient sur les voies. Leur vitesse était hallucinante, celle-ci avoisinait probablement les deux cent kilomètres heure, voir plus.
Vu du haut de notre perchoir, il ne semblait y avoir aucun panneau ou de feu de signalisation. Avait-on enfin inventé les véhicules intelligents tels ceux dont on rêvait dans les années cinquante en pensant à l'an deux mille ? Probablement.
Ce qui impressionnait surtout, c'était ce silence. Aucune pollution sonore ne venait souiller la quiétude de la nuit.
En cent ans, on avait résolu, semble-t'il beaucoup de problème...
Evidemment, en tant que scientifiques, nous ne pouvions résister à la tentation de voir ce que le futur nous réserverait encore !
Les deux manettes s'abaissèrent.
C'était reparti...
Soudain, un rai de lumière miroita sur le balcon, un des deux chercheurs venait de passer la tête au dessus de la couverture. Celui-ci voulait voir l'avancée en accéléré du paysage.
De justesse, j'arrivais à rattraper le second.

"Mais enfin, pourquoi m'empêcher de voir également le changement de décor ? "

Avant même que je ne puisse répondre, un flash vint mettre un terme à la discussion.
Je m'empressais d'enlever la couverture de survie qui, pour le coup, portait bien son nom et, m'apprôchais de notre collègue. Celui-ci ne bougeait plus. Posant la main sur son épaule, il tomba à la renverse.
Un petit cri étouffé s'échappa derrière moi. Il y avait de quoi, le malheureux avait pris cinquante ans en trois secondes.
Ses cheveux gris étaient à présent blancs comme neige, le visage était creusé à l'extrême, son apparence était prôche de la momie...
Il était bel et bien mort.
Nous ne pouvions pas voyager avec un mort à nos côté, l'odeur allait vite devenir intenable. Rangeant nos remords au plus profond de nous, nous décidions de jeter le corps au-dessus du balcon.
Je le pris par les épaules et mon collègue par les pieds. La tête du défunt bascula en arrière et semblait me regarder, les yeux pleins de reprôches. Détournant le regard, je le posais sur la balustrade et le fis basculer dans le vide.
Son corps se démembra en atteignant le sol.
Trois personnes regardèrent vers le haut tout en agitant leurs bras. Il nous fallait partir très vite.
Dans la précipitation, je donnais un coup au groupe éléctrogène qui s'éteignit.
La nouvelle de la chûte avait déjà dû faire le tour de l'immeuble car on s'agitait dans le salon. Le groupe ne voulait rien savoir, j'avais beau tirer de toutes mes forces sur la lanière, il ne démarrait pas !
Quelqu'un ouvrit les volets.
Derrière lui, une dizaine d'hommes en colère nous regardaient avec une envie de faire mal au fond des yeux.
Machinalement, je continuais à actionner mon bout de cordelette et le mirâcle se produisit.
Le bruit du groupe déconcerta les vengeurs de la momie et j'eus à peine le temps de nous couvrir, que mon collègue actionna les manettes.
J'imaginais, un petit sourire en coin, l'air ahuri de nos poursuivants.

"On l'a échappé belle, n'est-ce pas ?"

Et ce fut les derniers mots que je prononçais...
L'immeuble, au cours des cinquante années suivantes, avait était détruit...

 

 



25/09/2011
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