MANGANAC

L'espèce dominante

L'espèce dominante

 

Au large du Pacifique, une petite île fut découverte il y a peu de temps.
N'étant répertoriée sur aucune carte, une escouade de scientifiques décida voilà quelques mois, de l'explorer de fond en comble dans l'espoir d'y trouver de nouvelles espèces animales et végétales et pourquoi pas, de nouvelles ethnies.
Seulement, quelques jours après, plus aucun rapport ne fut envoyé sur le continent.
Ne sachant pas les raisons de ce mystèrieux silence, l'armée fut mandaté par le président américain lui-même afin d'éclaircir au plus vite cette affaire.
Le départ de ce sauvetage hasardeux était imminent.


Sur le pont de l'Admirable, puissant navire de guerre ayant déjà fait ses preuves dans plus d'un conflit, plusieurs solides gaillards attendaient impatiemment le départ vers cette île mystèrieuse.
Chacun y allait de sa théorie de la plus sèrieuse à la plus farfelue sur les raisons de leur nouvelle mission.
Scientifiques dévorés par une tribue cannibale, maladie contractée en cotoyant certains insectes assoiffés de sang ou encore démence collective.
Les plus pragmatiques évoquaient quant à eux, une simple panne de radio et autres moyens de communication.

Enfin, les côtes s'éloignèrent peu à peu.

La pleine mer, l'océan... vaste étendue d'eau encore loin d'avoir révélée tous ses secrets; preuve en est, cette île qui, malgré la technologie actuelle, ne fut découverte que depuis peu.

Après plusieurs jours de navigation, le sable des plages encore vierges de toutes souillûres humaines scintilla au loin.
Armés de fusils, les soldats débarquèrent enfin sur la terre ferme.
D'après les dernières informations reçues, le camps des ethnologues et autres spécialistes devait se trouver au centre de l'île.
Afin de l'atteindre sans difficultés, ceux-ci avaient fléchés le parcours sur les arbres.
Effectivement, après de brêves recherches, le premier arbre bombé de peinture jaune apparut.
Une demie-heure de marche plus tard, les soldats se rendirent compte d'un fait étrange... pas de bruit.
La forêt semblait être figée.

Le camp se découvrit quelques kilomètres plus loin.
Une dizaine de tentes d'assez grandes dimensions se dressaient au milieu d'une clairière.
A première vue, aucun dégât n'apparaissait sur les toiles tendues.
Malgré les appels répétés des soldats, aucun retour.
A l'exception des denrées, rien ne semblait cassé, même la radio fonctionnait.
A priori, ce n'était pas non plus des voleurs qui étaient venus car tout semblait encore là.
Le soir approchant, ils décidèrent de passer la nuit sur place, peut-être qu'elle leur fournirait des réponses.

Deux heures du matin, des cris brisèrent le silence forestier.
Branle-bas de combat, tous sortirent de leurs abris, FAMAS en main.
Des projecteurs furent allumés aux quatre coins du campement.
Deux soldats manquaient à l'appel et aucune trâce de leurs corps.
Autour de la garnison, des bruissements dans les fourrés se firent entendre.
Sans chercher à comprendre, un militaire tira au hasard, immédiatement suivi par ses collègues.
Après cinq minutes de tirs intensifs, le calme reprit sa place.
Tous se regardaient et attendaient.
D'un seul coup, énorme agitation de parts et d'autres; un animal de la taille d'un gros chien bondit sur un des hommes et l'entraina dans les bois.
L'attaque n'avait duré que quelques secondes.
Ayant été mordu directement à la gorge, pas un cri ne s'était échappé du malheureux.
Qu'était-ce ?
Pas un homme en tout cas.

Ca y est, de nouveaux mouvements se firent sentir, des feuillages vibrèrent partout autour d'eux.
Des petits yeux brillants apparurent au milieu des fougères; un soldat tira.
Un petit cri plaintif sembla indiqué que la bête avait été touchée.
Une dizaine d'hommes s'en approcha prudemment, ils soulevèrent les plantes et...un rat, un rat énorme.
Pas même le temps d'essayer de comprendre que quatre autres rongeurs se jetèrent sur les militaires.
Seuls deux arrivèrent à en réchapper.
Ces improbables monstres passèrent enfin sous la lumière des spots.
Les incisives aussi grandes et tranchantes que des poignards ne laissaient planer aucun doute sur leur efficacité.
Blitzkrieg...tout le régiment fut anéantit en un éclair.


N'ayant aucune nouvelle du groupe d'hommes, les quelques âmes restées à bord de l'Admirable décidèrent d'envoyer cinq soldats supplémentaires lourdement armés et surtout avec caméra frontale pour suivre l'action en direct.
Rapidement arrivés sur les lieux du drâme, ils furent immédiatement confrontés à ces terribles bêtes anormalement gigantesques.
Autour d'eux gisaient les corps encore chauds et partiellement dévorés de leurs frères d'armes.
Mentalement et physiquement pas préparés à ce genre de situation, le quintet s'enfuit la peur au ventre malgré leur impressionnant arsenal.
Les rats, dérangés en plein repas,  se détournèrent de leurs victimes et accoursèrent leurs nouvelles proies.
Deux soldats tombèrent rapidement sous leurs coups de griffes et finirent égorgés.
Un troisième arriva à en tuer trois avant de s'effondrer à son tour.
Les deux autres, hors d'haleine, arrivèrent enfin sur la plage.
Le canot rapidement remit à l'eau, ils se dirigèrent vers le navire quand soudain, un des rongeurs arrâcha trois doigts d'un des deux survivants qui avait naïvement posé sa main sur le bord de la petite embarcation.
Ces satanés rongeurs, tels leurs voisins les ragondins, nageaient de surcroit très bien.
Les rats étant en nombre beaucoup trop important pour s'y attaquer de nouveau, ils décidèrent en accord avec les Hautes Autorités de quitter cette maudite île et y retourner lorsque de plus grands moyens seraient déployés.

Plusieurs mois passèrent.

On retrouva l'Admirable échoué sur les côtes mexicaines.
A son bord, personne.
Un véritable vaisseau fantôme.
Il ne fallut pas longtemps au président et à ses généraux pour comprendre ce qui s'était passé... les rats.
Ceux-ci avaient donc réussi à s'infiltrer à bord du puissant navire de combat.
Celui-là même qui s'était si bien illustré dans plusieurs conflits mondiaux avait perdu fâce à des rats.
La priorité première était de retrouver et surtout détruire ces animaux qui, clandestinement, s'étaient introduits sur le continent américain.
Ironiquement, c'était du côté mexicain qu'il fallait aller.
Il ne suffisait plus d'empêcher les "latinos" de s'introduire illégalement en Amérique, désormais même les rats ne devaient pas y entrer.
Les relations déjà tendues entre les deux dirigeants furent irrémédiablement coupées à présent.
Le président mexicain accusa son homologue américain d'avoir trouvé une excuse plus que douteuse pour envahir son pays.
Afin d'éviter tout incident, l'affaire fut classée sans suite mais on renforça les patrouilles frontalière du côté américain.
Il fallait avouer que croire en l'existence de rats géants ayant décimés tout un équipage de soldats surentraînés relevait de la folie.

Durant deux longues années, il ne se passa absolument rien.
Quelques disparitions avaient bien été à déplorer mais malheureusement, elles étaient fréquentes dans ce pays: règlements de comptes, drôgues, prostituées, vols d'organes... les raisons ne manquaient pas.
Une vidéo postée sur Internet montrant un habitant du Guatémala tenant un rat énorme au bout d'une chaîne laissa augurer le pire.
Autour de l'animal, trois chiens aboyaient l'air visiblement apeuré.
Il y avait de quoi puisqu'il était aussi gros qu'eux et se débattait violemment essayant de chopper ses geoliers.
Ils étaient donc bien sur le continent et pire, avaient déjà traversé une frontière.
Si leur mode de reproduction était identique à celui des autres rats, il risquait dans très peu de temps d'y en avoir des milliers.
Dans les mois qui suivirent, d'autres témoignages de personnes ayant aperçu ces animaux commencèrent à affluer sur la toile.
On en parlait désormais sur les chaînes locales.
Il fallait faire vite, surtout qu'on commençait à dénombrer à présent des victimes humaines au Mexique.
Tard dans la soirée, des caméras de surveillance avaient réussi à filmer une scène horrible voyant une bande d'une dizaine de rats s'en prendre à un couple en pleine rue; pas un n'en avait échappé.
Et tels des charognards, ils n'avaient laissé aucune trâce, allant jusqu'à dévorer les os.
Cette fois-ci, le président mexicain avait bien dû se rendre à l'évidence, la menace était bien réelle. Mais une chose était certaine, hors de question de demander de l'aide au président américain.
Ainsi, il envoya quelques troupes militaires aux endroits où avaient été vu ces rongeurs et instaura un couvre-feu le temps de dératiser le pays.
Au vue des atrôcités commises par ces animaux, aucun habitant ne protesta.
Les soldats quadrillaient ainsi plusieurs quartiers mais seuls une dizaines de nuisibles avaient été abattus.
Aucune victime humaine n'était à déplorer.
Le lendemain, seuls trois rats avaient été dénichés.
Les jours suvants ne virent aucune bestioles montrer le bout de son museau.
Au bout de deux semaines, le Mal avait été éradiqué... en apparence.
Effectivement, la joie fut de courte durée car quelques temps après, on vit des centaines de ces rats déferler dans toute l'Amérique du Sud.
Les plaques d'égoûts se renversaient dans tous les pays laissant penser qu'ils avaient élu domicile dans les canalisations.
Ainsi, tout le réseau souterrain été contaminé.
Les différentes forces armées furent vite débordées.
En à peine deux mois, plus aucune nouvelles de ce continent ne parvint aux autres nations.
Les hélicoptères et avions rapportèrent des images de villes mortes, sans aucun habitant.
Quelques rats apparaissaient ici-et-là mais assez furtivement.
Ceux-ci préféraient se cacher sous terre ou dans les forêts avoisinantes.
Toutes les forces américaines étaient postées aux frontières de leur pays.
Jours et nuits, ils se relayaient, espérant contenir cette épidémie.

Plusieurs études effectuées sur des spécimens capturés vivants démontrèrent que contrairement aux idées reçues, aucun gène mutant n'était à l'origine de cette  taille exceptionnelle.
La conclusion de ces expèriences était que s'ils avaient progressé à ce point, c'est tout simplement que sur l'île dont ils étaient originaires, ils ne souffraient d'aucun prédateurs naturels et encore moins d'hommes pour les chasser.
Ils avaient ainsi évolué vers une taille hors norme.
Leur instinct, à présent, leur intimait de retrouver cette dominance en exterminant la menace que pouvait constituer ces êtres bipèdes.


Contenir les frontières était en soi louable mais un problème se posait tout de même, ils se reproduisaient très vite et il allait falloir qu'ils se nourrissent.
Il fallait une vraie solution.
Plusieurs idées furent soumises tel que le Napalm, de toutes manières, il n'y avait plus âme qui vive.
Problème soulevé, les égoûts.
Brûler les forêts ou des villages était certes radical mais ne détruirait qu'une partie de ces prédateurs.
Les attaques chimiques ou bactériologiques furent évoquées mais immédiatement rejetées en raison de la difficulté à les contenir; elles pourraient faire bien plus de dégâts que les rats.
Les rats, justement, le temps des palabres durant de plus en plus longtemps, ils avaient réussi à déjouer la surveillance des soldats et avaient atteint Los Angelès.


En moins de dix ans, tous le territoire américain fut envahit.
Les morts se comptaient par millions.
Les quelques rescapés se terraient dans des abris anti-atomiques tels des... rats.
Ceux-ci avaient largement dépassé les cinquante millions d'individus.
Malgré leur taille, ils restaient des rats, ne vivant que pour se reproduire encore et encore.


En Europe, plusieurs pays s'étaient isolés du reste du monde en érigeant d'immenses murs tout autour de leur territoire espérant bien naïvement empêcher l'invasion.
Vu du ciel, on pouvait enfin distinguer les contours de chaque pays tels qu'on pouvait les voir sur les cartes autres globes terrestres.
A son tour, la Russie et tous les pays du Caucase furent décimés en quelques années.
Il ne restait plus que l' Afrique et la Vieille Europe, du moins, le croyait-on car arrivant par la Turquie, les rats débarquèrent plus tard en Egypte et contaminèrent toute l' Afrique du Nord faisant de nouveau des millions de victimes.
En très peu de temps, le Maroc fut atteint et traversant la méditerranée, ils arrivèrent en Europe.
La lutte était inégale tant leur nombre était effarant.
Aucune armée, aussi puissante soit-elle n'avait pu rivaliser avec ces ennemeis d'un genre nouveau.

L'Homme n'était plus l'espèce dominante.

 

Quelques centaines d'années plus tard, toute trâce humaine avait disparu sous la verdure.
Même les plus hauts gratte-ciel étaient recouvert de lierre et autres plantes grimpantes.
Les routes, recouvertes de mousse et de lichen donnaient un aspect paradisiaque à la planète avec cette impression de chemins à suivre en direction de cet Eden oublié des Hommes.
Ce paradis recherché, décrié, espéré n'était peut-être pas si loin que ça en fait.

Trop tard.



11/06/2012
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