MANGANAC

Histoires de Fantômes Chinois

HISTOIRES DE FANTOMES CHINOIS: 19/20

Il y a pas mal de films que j'aime appeler "cultes" mais il en est un qui surpasse tous les autres: "Histoires de Fantômes Chinois"...!!!

J'ai dû le voir plus de vingt fois et je pense le revoir autant de fois !!!!

 

Il raconte l'histoire d'amour impossible entre un collecteur d'împots et un(e) joli(e) fantôme prisonnier(e) d'un sombre destin...

Le deuxième épisode est la suite du premier (oui je sais, ça paraît logique...) et il y a les mêmes personnages principaux alors que le troisième  est une tout autre histoire (encore que...).

 

Dans le rôle du collecteur d'împots, on retrouve l'excellent Leslie Cheung (malheureusement décédé le 1er avril 2003...suicide du haut du toit de son hôtel...quel gâchi !!!) et dans celui du fantôme, Joey Wong...superbe !!!!!

J'allais oublier le moine taoïste campé par Wu-Ma !!! Enorme prestation surtout lors de sa fameuse chanson: "Tao tao tao" !!!!!

 

C'est impressionnant de voir le nombre de films (ou Mangas...) avec des histoires d'amour qui finissent mal ou avec le fameux "triangle amoureux"...

 

Le film est tiré de la nouvelle appelée "Petite Grâce"...

Le coffret collector DVD renferme un booklet avec justement cette nouvelle !!!

Pour ceux qui aimeraient connaître l'origine du film, voici l'intégralité de Petite Grâce:

 

"Ning Caichen, du Zhejiang, était un brâve et honnête garçon d'une conduite irréprochable.Il répétait à qui voulait l'entendre: "il n'est dans la vie de double amour qui tienne".
Il se trouvait qu'il devait se rendre à jinhua.
Arrivant aux faubourgs nord de la ville, il déchargea ses bagages dans un ermitage.La salle principale et la pagode, richement décorées, étaient en bon état, mais l'herbe folle avait poussé à hauteur d'homme; toute trâce de présence humaine semblait avoir disparu.A l'est aussi bien qu'à l'ouest, les doubles vantaux se refermaient sur des cellules vides; seul un petit bâtiment au sud avait été muni de barre et loquet neufs.Dans l'angle, à l'est de la salle principale, il remarqua des bambous élancés, de la grosseur des deux mains réunies; au bas des marches, s'étendait un vaste étang où les nénuphars étaient déjà en fleurs.Le calme de ces lieux retirés l'enchantait.
Comme la rencontre des candidats avec l'examinateur en chef n'allait pas tarder et que le prix des logements en ville avaient en conséquence grimpé, il se dit qu'il ferait aussi bien de loger là.Il décida donc d'aller se promener en attendant le retour des moines.
Le soleil se couchait lorsque parut un lettré qui ouvrait le vantail du petit bâtiment au sud.Ning courut le saluer et lui faire part de son intention.
"Le logis est sans maître; je suis moi-même de passage.Si vous supportez d'habiter ce lieu désert, je serai très heureux de pouvoir bénéficier du matin au soir des enseignements que votre présence m'apportera", lui répondit l'inconnu.
Se réjouissant de set accueil, Ning se fabriqua une paillasse et une table d'un bout de planche, se préparant ainsi à un séjour de longue durée.
Cette nuit-là, comme la lune brillait dans un ciel pur, répandant une clarté aquatique, les deux hommes s'attardèrent sous la galerie, genoux contre genoux.Ils commencèrent par décliner leur identité.

"Je me nomme Yan Chixia", précisa le lettré.

Ning avait d'abord pensé que c'était un bachelier qui se rendait aux examens provinciaux, mais son accent trahissait quelqu'un qui n'était pas de la province.A la question qu'il lui posait à ce sujet, Yan répondit qu'en effet il était du Shaanxi, loin à l'ouest.C'était un homme au franc-parler comme on en voit peu.
Après un bon moment, la conversation languissant, ils se souhaitèrent bonne nuit et rentrèrent chacun se coucher.
Troublé par la nouveauté des lieux, Ning cherchait depuis longtemps le sommeil lorsqu'il crut entendre un bruit de voix au nord.Il se leva et, tapi sous la fenêtre qui donnait de ce côté, épia discrètement: il aperçut dans une courette au-delà d'un mur bas une femme d'une quarantaine d'années, puis une vieille en robe longue délavée, un large peigne fiché dans son chignon, voûtée et passablement décrépite.
Elles bavardaient au clair de lune.

"Comment se fait-il que Petite Grâce tarde tant ? disait la plus jeune.
-Elle va bientôt arriver, répliqua la vieille.
-Ne vous aurait-elle pas offensée, bien chère ?
-Pas que je sâche, mais lle m'a paru contrariée.
-La vile servante ne mérite pas tant de considérations..."

Elle n'avait pas achevé sa phrase qu'une fille de dix-sept ou dix-huit ans paraissait, d'une beauté incomparable, autant qu'on pouvait en juger.
La vieille se mit à rire: "Mieux vaut ne jamais parler des gens dans leur dos ! La petite sorcière est survenue sans bruit juste au moment où il était question d'elle: heureusement que ce n'était pas pour en dire du mal ! Elle est belle comme une image, reprit-elle à son adresse, sûr que si j'étais un garçon, tu me ravirais l'âme.
-Si vous ne chantiez mes louanges, répliqua la jeune fille,qui le ferait ?"
Elles poursuivirent leurs babillages on ne sait comment, car Ning se recoucha sans écouter la suite, pensant avoir affaire à des bonnes femmes du voisinage.
Un moment plus tard, alors que régnait le plus profond silence et qu'il était sur le point de s'endormir, il eut la sensation qu'on s'apprôchait de la paillasse.Il se leva précipitamment, voulant en avoir le coeur net: c'était la fille qu'il avait vu dans la courette !
Comme il l'interrogeait, surpris de cette présence insolite, elle lui répondit avec le sourire: "ce beau clair de lune m'empêche de dormir.J'aimerais bien roucouler dans tes bras...
-Vous devez vous prôtégez du qu'en-dira-t-on, objecta Ning d'un air grâve, je crains les indiscrétions.Un seul faux pas peut conduire à la honte et à la perdition.
-Il fait nuit: personne ne le saura", rétorqua la fille.
Ning dut la rabrouer une seconde fois.Comme elle hésitait, sur le point de reprendre la parole, Ning gronda: "Va-t'en ! Sinon j'appelle mon compagnon qui dort dans l'autre cabane."
Prenant peur, la fille battit en retraite.Elle allait passer la porte quand elle revînt sur ses pas déposer sur la couverture un lingot d'or, que Ning ôta aussitôt pour le jeter sur le perron de la cour en déclarant hautement: "Bien malhonnêtement acquis souillerait mes sacs et mes poches !"
Mortifiée, la fille sortit et ramassa l'or en marmonnant: "Le gars doit avoir un coeur de fer ou de pierre !"

Le lendemain matin, se présenta un jeune homme de Lanxi; il était venu attendre l'ouverture des examens, accompagné de son valet.Ils s'installèrent dans l'aile orientale.
Le nouvel arrivant mourut subitement dans la nuit; il avait un petit trou sous la plante du pied, comme percé par une alène, d'où suintaient de fines gouttelettes de sang.Personne ne comprenait la signification de ce curieux symptôme.
La nuit suivante, ce fut le tour du serviteur, qui présentait la même caractéristique.
Le soir, au retour de Yan, Ning lui en parla: il avait la conviction que c'était le travail de quelque créature maléfique.Ferme et droit comme il l'était, Ning n'y prêtait pas autrement attention.
A la nuit, la fille revint lui dire: "J'ai connu beaucoup de monde mais jamais âme aussi bien trempée que la vôtre.Je n'ose tromper un vrai sage tel que vous: appelée Petite Grâce, je porte le patronyme de Niè.Je suis morte prématurément à dix-huit ans, enterrée près du monastère où, sous la menace, un monstre me contraint à le servir en m'avilissant sans cesse.En vérité ce n'est pas le plaisir qui me pousse à me couvrir de honte vis-à-vis des hommes.
Maintenant qu'il n'y a plus personne d'autre à tuer au monastère, je crains qu'il ne vienne vous régler votre compte sous forme de yaksha."

Effrayé, Ning lui demanda quelle solution elle proposait.
"Vous pourriez lui échapper en partageant la cellule avec Yan.
-Et pourquoi ne parviendrait-il pas à l'ensorceler lui aussi ?
-Ce n'est pas un homme ordinaire: il n'oserait pas s'en apprôcher.
-Comment capture-t-il les gens ?
-Ceux qui couchent avec moi, il leur perce subrepticement le pied avec une alène et leur suce le sang dont il s'abreuve.Ou encore, pourvu que je les captive avec de l'or, qui n'en est pas en réalité mais de l'os de démon férôce, il lui devient facile de leur arrâcher le coeur et le foie.Il se sert de l'un ou l'autre moyen selon les circonstances."

Ning exprima sa gratitude pour cette mise en garde et demanda quand il y aurait lieu d'en tirer parti.La nuit prochaine lui fut-il répondu.
Elle fondit en larmes au moment de partir: "Je suis plongée dans la mer ténébreuse de la douleur, loin des rivages du salut.Mais vous, dont la noble volonté de justice est d'une hauteur à émouvoir le Ciel, vous pourriez me tirer de ce sort misérable.
Au cas où vous accepteriez d'envelopper mes ossements et de les emporter pour les enterrer en un lieu paisible, vous me rendriez une seconde vie."

Ning promit sans hésitation, lui demandant où elle était enterrée.
"Rappelez-vous simplement: auprès du tremble, celui qui porte un nid de corbeaux."
Sur ces mots, elle sortit et disparut.

Le lendemain, de peur que Yan ne fût déjà parti, il passa de bonne heure l'inviter chez lui et lui servit en fin de matinée vins et collation, observant attentivement son hôte.Néanmoins, lorsque Ning proposa de passer la nuit chez lui, Yan se montra réticent, s'excusant d'avoir contracté l'habitude invétérée de dormir seul.
Ning fit la sourde oreille et apporta sa literie.Force fut à Yan d'y consentir et de lui faire place non sans le mettre en garde: "Je te sais brâve, animé d'une probe ardeur, mais il est des secrets qu'il serait maladroit de révéler brutalement.Il importe que tu le sâche.Ne fouille pas mes affaires, nous pourrions en pâtir l'un comme l'autre."

Ning s'engagea à respecter ces recommandations.
Celà dit, chacun alla se coucher.Yan plaça coffres et malettes au bord de la fenêtre et, la tête à peine posée sur l'oreiller, se mit à ronfler avec un bruit de tonnerre.
Ning ne parvenait pas à trouver le sommeil.
Aux apprôches de la première veille, une ombre se profila confusément à la fenêtre, s'apprôcha et vint épier l'intèrieur de la chambre avec des yeux étincellants qui jetaient des éclairs.
Ning était sur le point de réveiller son compagnon quand la malette se fissura, laissant échapper un objet éclatant semblable à une bande de brillante soie blanche.Propulsé jusqu'à la fenêtre, il en brisa le cadre de pierre avant de revenir s'enfermer dans la malette, tout celà aussi rapidement que s'évanouit la foudre.Yan se leva tandis que Ning feignait le sommeil pour mieux observer ce qui allait se passer.Son compagnon élevait des deux mains la malette pour la vérifier; il en sortit l'objet qu'il examina et huma au clair de lune; d'une blancheur qui avit l'éclat du cristal, il était long d'à peine deux pouces et moins large qu'une feuille de ciboule.
Ceci fait, il l'enveloppa soigneusement de plusieurs couches superposées et le remit dans la malette brisée, en murmurant: "Ce satané démon, quelle audace ! Aller jusqu'à démolir ma malette !" Là-dessus il retourna se coucher.
Ning était si intrigué qu'il se leva pour interroger son compagnon.Comme il lui racontait ce qu'il avait vu, Yan lui répondit: "Je ne te le cacherai pas plus longtemps, nous sommes de trop bons amis: je suis un maître d'armes itinérant.Sans le rebord de pierre, le monstre aurait été foudroyé sur place.Il n'en est pas moins blessé.
-Que renferme donc la malette ?
-Une épée.Ce que je viens de humer, c'est l'odeur infecte du démon."
Comme Ning exprimait le désir de voir l'arme de plus près, Yan ne se fit pas prier et lui montra une toute petite lame scintillante.Il en conçut une admiration plus grande que jamais à l'égard de son compagnon.
Le lendemain, il explora le terrain au-delà de la fenêtre: il y avait des trâces de sang qui le menèrent au nord de l'ermitage où il découvrit un ensemble de tombes à l'abandon.
Il y avait là, en effet, un tremble à la cîme duquel se trouvait le nid de corbeaux.
Lorsqu'il eut accompli ce pour quoi il était venu, Ning s'empressa de plier bagage en vue du retour dans sa famille.
Yan avait préparé un petit festin pour lui souhaiter bon voyage.
Cette chaleureuse attention était un témoignage d'amitié.
Il lui offrit, en guise de cadeau de départ, un vieil étui de cuir déchiré en lui précisant: "C'est le fourreau de l'épée, à garder précieusement pour éloigner toutes créature maléfique."
Comme Ning manifestait le souhait d'être initié aux arts magiques dont Yan était féru, celui-ci répondit: "Tu as la foi, la rectitude et le sens moral qu'exigent ces pratiques, mais tu sembles destiné aux honneurs et aux enrichissements de la carrière mandarinale, non point fait pour embrasser cette voie."
Ning prétendit alors avoir une jeune soeur inhumée dans les environs, déterra les ossements, les enveloppa dans un linceul, loua un bâteau et rentra dans sa famille.
Son cabinet d'étude se trouvant près d'étendues en friches, il creusa une tombe et l'enterra tout près de là.
Tandis qu'il versait des libations, il prononça l'invocation suivante: "Par pitié pour ton âme orpheline, je t'enterre près de mon humble demeure pour que nous nous entendions dans nos chants comme dans nos pleurs, pour que ne se renouvellent plus les outrage du férôce démon.Je serais heureux que tu ne dédaignes pas ce pauvre breuvage de bien piètre qualité."
Comme il s'en retournait, ces paroles solennelles prononcées, il s'entendit appeler dans son dos: "Pas si vite, attendez-moi !"
Il se retourna, c'était Petite Grâce !
Elle le remerciait avec effusion: "Mourir dix fois pour vous ne suffirait pas à m'acquitter de la dette que j'ai contractée envers vous qui êtes d'une loyauté à toute épreuve.Permettez-moi de vous suivre et de saluer mes beaux-parents que je servirai sans regrets de n'être qu'une humble servante."
Ning la regarda plus attentivement: sa douce peau claire semblait refléter les nuées qui courent au ciel, ses pieds aux chaussons à bouts relevés rappelaient de lisses pousses de bambou; il émanait de sa personne, debout dans la clarté du jour, des charmes d'une séduction plus grande encore que dans la nuit.Il entra avec elle dans la bibliothèque, la fit asseoir et la pria d'attendre un moment, le temps de prévenir sa mère.
On imagine la stupéfaction de cette dernière.Comme la femme de Ning était alors alitée à la suite d'une longue maladie, elle mit en garde son fils et défendit de lui en parler, de crainte du choc qui pourrait en résulter.
Ils échangeaient ces propos quand, d'un coup d'aile, la jeune fille se précipita dans la chambre et se prosterna aux pieds de sa belle-mère.
"Petite Grâce", expliqua le fils.La mère, effarée, la regardait avec inquiétude.
"Votre enfant est seule, à l'abandon, loin de tout, sans père ni mère ni frères.Grâce à la protection de Monsieur votre fils, me voici, tout mon être réconforté par la rosée de ses bontés; je serais heureuse de prendre la pelle et le balai de l'épouse en reconnaissance de son haut sens moral".
Elle avait l'air si gracieuse, si aimable, que la mère s'enhardit à lui adresser la parole: "Je suis ravie que vous considériez si favorablement mon fils, mais je n'ai que lui pour assurer la continuation du culte des ancêtres et n'ose l'engager à prendre un spectre pour épouse...
-Permettez à votre enfant d'ouvrir son coeur sans arrière-pensées.Puisque vous ne pouvez accorder votre confiance à une créature venue des sources ténébreuses, concédez-moi la faveur de le servir comme une jeune soeur son grand frère et de prendre soin de votre personne du matin au soir."
Touchée par la sincérité du ton de ce plaidoyer, la mère y consentit.
Petite Grâce manifesta aussitôt le souhait de présenter ses respects à sa belle-soeur, mais y renonça sans insister quand la mère l'eut priée de l'excuser en raison de sa grâve maladie.
La jeune fille descendit aux cuisines où elle remplaça dès lors la mère dans la préparation des repas.
Elle s'affairait, entrait, se faufilait entre les lits comme si la maison lui était depuis longtemps familière.
A la tombée du jour, la mère, mal à l'aise et pas du tout rassurée, trouva prétexte à la renvoyer sans que la fille eût touché à sa literie.
Petite Grâce comprit et partit aussitôt vers le cabinet d'étude du fils.Mais au moment d'entrer, elle recula, comme si quelquechose lui faisait peur.
Elle répondit au jeune homme qui l'invitait à pénétrer dans la pièce: "Il y a une horrible odeur d'épée.Si je n'ai pu vous revoir et vous servir au cours du voyage, c'est pour cette même raison".
Ning comprit que l'étui en cuir était en cause et il alla le suspendre dans une autre chambre.Petite Grâce osa donc entrer et s'assit sous la lumière d'une chandelle.Elle resta un bon moment silencieuse.Enfin, elle prit la parole: "Est-ce que tu travailles la nuit ? J'avais appris à réciter le soutra de Pâramiti mais j'en ai oublié la plus grande partie.Puis-je te prier de m'en procurer le rouleau ? La nuit, j'aurais le loisir de le lire et tu pourrais me corriger."
Ning en tomba d'accord.Elle se rassit, silencieuse.
La deuxième veille touchait à sa fin, minuit, sans qu'elle fit mine de partir.Comme Ning la pressait de s'en aller, elle lui dit d'un air contrit: "L'âme solitaire d'étranges pays redoute plus que tout les tombes abandonnées...
-Je n'ai qu'un seul lit dans mon cabinet d'étude.De toute façon, une telle intimité serait inconvenante entre frère et soeur."
Elle se leva, l'air contrarié, sur le point d'éclater en sanglots.A pas hésitants, elle sortit en traînant les pieds, enjamba les marches et disparut.
Secrètement apitoyé, Ning aurait aimé la retenir et pouvoir la laisser passer la nuit sur une autre couche mais il craignait de mécontenter sa mère.
Tous les matins, Petite Grâce passait chez elle apporter l'aiguière et verser de l'eau dans la bassine, puis descendait dans la salle vaquer au ménage; elle se pliait à tous les désirs de la mère de Ning.Ce n'était qu'au crépuscule qu'elle demandait la permission de se retirer, passait à la bibliothèque et récitait le soutra à la lumière des chandelles.Elle ne s'en allait, tristement, qu'au moment où elle devinait que Ning avait envie de se coucher.
Auparavant, depuis que s'était déclarée la maladie de sa bru, la mère avait sur les bras plus qu'elle n'en pouvait supporter.Maintenant qu'elle disposait de l'aide de Petite Grâce, elle se sentait merveilleusement disponible.Aussi l'estimait-elle de plus en plus, du fond du coeur.
Au fil des jours elle lui était devenue si chère qu'elle l'aimait comme sa propre fille et finissait par oublier qu'elle était une revenante.Ne supportant plus de la voir partir chaque soir, elle la garda désormais à coucher auprès d'elle.
Au début, la jeune fille ne mangeait ni ne buvait, mais au bout de six mois elle se mit à consommer de la bouillie claire.
Mère et fils la tenaient en profonde affection et se gradaient de mentionner son état de spectre que, d'ailleurs, personne n'aurait su détecter.
Quelque temps plus tard, l'épouse de Ning décédait.La mère songeait à prendre Petite Grâce comme bru, mais craignait que ce ne fût pas à l'avantage de son fils.
Devinant ses réticences, Petite Grâce saisit la première occasion qui se présentait pour la rassurer: "Voilà plus d'un an que je suis chez vous.Vous devez maintenant me connaître jusqu'au fond des entrailles.J'ai autrefois instruit et suivi votre fils par souci d'épargner la vie des gens de passage, sans autre ambition que d'aider pendant quelques années un garçon brillant, remarquable et que tous admirent, à avancer dans la glorieuse carrière qui l'attend."
La mère savait bien qu'elle n'avait pas de mauvaises intentions; mais elle craignait que Petite Grâce ne puisse assurer la continuité de la lignée.
"Garçon ou fille, seul le Ciel décide de nous les accorder, rappela celle-ci, il est écrit sur le registre du bonheur qu'il lui sera donné trois fils qui feront honneur à votre lignée: ils ne sauraient lui être enlevés parce qu'il aurait épousé une revenante."
Convaincue, la mère en parla à son fils qui se réjouit de la décision.
On annonça la bonne nouvelle aux voisins et amis au cours d'un banquet.
Comme ils demandaient à voir la future, la mariée parut, brillamment parée, sans le moindre embarras.Elle fascinait la salle entière; loin de soupçonner un spectre, les convives se demandaient s'ils n'avaient pas sous les yeux une fée, une divine créature.
Dès lors, amis et parents affluèrent de toutes parts pour se disputer l'honneur de lui être présenté, apportant cadeaux et félicitations.
Comme elle excellait dans la peinture de fleur d'orchidée et de prunier, Petite Grâce les en remerciait en offrant un rouleau d'un pied et quelque de long, orgueil des bénéficiaires qui le conservaient dès lors à l'instar d'un trèsor de famille.

Un jour qu'elle se penchait à la fenêtre, dans une agitation inquiète, comme si elle avait perdu quelquechose, elle demanda tout à trac: "Où se trouve l'étui en cuir ?
-Comme tu en as peur, je l'ai bouclé ailleurs, répondit son mari.
-Je me suis exposée aux souffles de vie depuis si longtemps que je n'ai plus lieu de le redouter.Mieux vaut le suspendre à la tête du lit."
Comme il lui demandait dans quelle intention, elle avoua: "Voilà trois jours que je me sens anxieuse, l'esprit tourmenté, en pensant au monstre de Jinhua qui doit être furieux de ma fugue au loin.J'ai un pressentiment: je crains qu'il ne vienne à tout moment me chercher."
Ning revint avec l'étui de cuir qu'elle examina soigneusement, le tournant et retournant: "C'est là-dedans que l'immortel, le maître d'armes, mettait les têtes de décapités.Combien de fois n'a-t-il pas servi, délabré comme il est ! Sa vue me donne encore aujourd'hui la chair de poule."
Néanmoins, elle le suspendit.
Le lendemain, elle demandait à son mari de l'accrôcher plutôt au-dessus de l'entrée.
La nuit qui suivit, ils restèrent assis devant la chandelle, car elle avait fait prommettre à son mari de ne pas se coucher.
Soudain, une masse indistincte surgit tel un immense oiseau qui se laisse tomber.Terrifiée, la jeune femme cherchait à se cacher sous les rideaux.
Ning observait le monstre à la langue sanguinolente qui pendait et aux yeux qui lançaient des éclairs.Il avançait, ses énormes mais prêtes à vous happer.
Arrivé à la porte, il recula, hésitant longuement, puis, s'approchant du sac en cuir, le décrocha d'un coup de griffes come s'il voulait l'ouvrir en le lacérant.
Tout à coup, dans un vacarme de craquements, l'étui grossit à la dimension d'une paire de grands paniers à transporter de la terre.
Il en jaillit une sorte de diable qu'on ne voyait qu'à mi-corps.Il agrippa le yaksha, le ramenant dans le double panier qui se referma, puis le silence se fit et l'étui retrouva subitement sa taille normale.
Ning en restait bouche bée de saisissement.
Emergeant à son tour de sa cachette, Petite Grâce s'écria joyeusement: "Fini les ennuis !"
Ils examinèrent ensemble le fond de l'étui, qui ne contenait que quelques gouttes d'eau claire.Rien de plus !

Effectivement, quelques années plus tard, Ning obtenait le grade de docteur aux concours mandarinaux.
Petite Grâce lui donna un garçon.Il eut deux autres fils, de chacune des concubines qu'il épousa par la suite.
Tous trois firent de brillantes carrières."

 

Voilà, j'espère que ce n'était pas trop long à lire...En tout cas, c'était long à écrire !!!!!



10/06/2009
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